Les Étoiles (1979-1983), le groupe d’autodidactes qui a révolutionné l’art en Chine

Li Xiaobin, Fête organisée par les Etoiles à l’Ancien Palais d’Eté (Yuanmingyuan), 1980

À l’occasion de l’ouverture au Centre Pompidou, le 3 décembre 2024, d’une salle permanente consacrée au mouvement chinois des Étoiles, nous avons voulu revenir sur l’exposition «Les Étoiles,1979-2019, pionniers de l’art contemporain en Chine» que Doors avait consacré en 2019 à ce groupe d’artistes révolutionnaires pro-démocratie, le premier mouvement d’art contemporain chinois, actif entre 1979 et 1983. Nous avons conçu cet article comme une visite virtuelle de l’exposition, une manière de la vivre – ou la re-vivre – dans le sens de visite chronologique imaginé il y a quelques années.

L’exposition était organisée au sein des locaux de l’agence de voyage Les Maisons du Voyage, anciennement La Maison de la Chine, fondée en 1991, la première agence de voyage française spécialisée dans les séjours en Chine.

Sous le commissariat de Bérénice Angremy et Victoria Jonathan, les deux co-fondatrices de Doors 门艺, l’exposition réunissait des œuvres de trois de ses figures tutélaires : Huang Rui, Ma Desheng et Wang Keping et des photographies inédites de trois témoins privilégiés de cette époque : Chi Xiaoning, Li Xiaobin et Wang Rui.

De gauche à droite : Victoria Jonathan, Wang Keping, Ma Desheng, Huang Rui, Bérénice Angrémy

I. Le Printemps de Pékin, le Mur de la Démocratie et le contexte politique du tournant des années 1970

Quand sont annoncées les réformes économiques fin 1978, le pays est saisi d’une vague d’euphorie. Tout juste sortie de la Révolution culturelle, la Chine fait le procès de la Bande des Quatre et réévalue cette période sombre de son histoire. C’est le retour au pouvoir de Deng Xiaoping, qui veut transformer le pays à travers « Quatre Modernisations », et encourage dans un premier temps l’expression citoyenne. Dans tout le pays, des dazibao (affiches) couverts de textes rédigés par des citoyens sont placardés dans la rue, et deviennent le lieu de débats publics. A Pékin, sur l’avenue Xidan s’élève un de ces murs de dazibao, renommé « Mur de la Démocratie », où s’expriment chaque jour des milliers de personnes et où s’échangent des idées, des publications indépendantes, des poèmes et des œuvres… Le mouvement, avec ses leaders comme Wei Jingsheng, sera réprimé fin 1979. 

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Wang Rui, Dazibao au Mur de la Démocratie à Xidan (Pékin), Septembre 1979

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Wang Rui, Le Mur de la Démocratie sur l’avenue Xidan (Pékin), Septembre 1979

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Li Xiaobin, Dazibao rédigés par les Etoiles et des revues underground sur le Mur de la Démocratie à Xidan (Pékin), 1979

II. La fin des années 1970 : Une renaissance artistique et littéraire

La Chine sort d’une longue période de fermeture et d’interdiction de toute expression artistique à des fins non-politiques. Dès 1942, dans son discours de Yanan, Mao avait affirmé que l’art et la littérature devaient servir le peuple et la révolution. Ce principe est accentué durant la Révolution culturelle, période pendant laquelle sa femme Jiang Qing, ancienne actrice, définit quelques « œuvres modèles » à propager dans tout le pays. Les artistes et intellectuels sont enrégimentés voire persécutés, leurs œuvres interdites et parfois même détruites. C’est seulement à la fin des années 1970 que s’expriment à nouveau des voix créatives et se forment des groupes artistiques, à l’instar des Etoiles, de No Name Group, Spring Tide Group (Oil Painting Research Association), April Photography Society, ou Enlightment Society (Guizhou). Des mouvements littéraires émergent, comme les Cicatrices et la Poésie Floue. Au Mur de la Démocratie, on publie des manifestes, des poèmes, et on distribue des revues littéraires, dont Jintian (Aujourd’hui), co-fondée par les poètes Bei Dao, Mang Ke et un futur membre des Etoiles, Huang Rui.

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Wang Rui, Des œuvres exposées au Mur de la Démocratie sur l’avenue Xidan (Pékin), Septembre 1979

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Chi Xiaoning, Première lecture publique de poèmes organisée par le poète Mang Ke et sa revue « Aujourd’hui », 1979. 

III. Septembre 1979 : La première exposition des Étoiles

Electrisés par le vent de liberté ambiant, Huang Rui et Ma Desheng décident d’organiser une exposition fin septembre au Musée national des Beaux-Arts de Chine, où doit avoir lieu la 5e exposition nationale d’art. Initié par Mao en 1958, le Musée des Beaux-Arts représente l’art le plus officiel. Cependant, signe des temps, il a accueilli en 1978 la première exposition étrangère – « La peinture de paysage en France au XIXe siècle », avec des œuvres de Courbet, Corot, Millet, Pissarro… Encouragés par ce signe d’ouverture, Huang Rui et Ma Desheng déposent une demande d’exposition d’art contemporain dans les salles du Musée auprès de l’Association des Artistes de Pékin, et se mettent à réunir les œuvres d’artistes indépendants. Quand leur demande est refusée, ils annoncent que l’exposition aura lieu à l’extérieur du musée, sans réaction de la part des autorités.

Le matin du 27 septembre, cent cinquante œuvres de vingt-trois artistes sont accrochées sur les grilles du Musée national des Beaux-Arts de Chine, sur environ quarante mètres. Peinture, dessin, sculpture, gravure ; portraits, paysages, satire politique, et même nudité ; figuration, abstraction, inspirations de l’art moderne occidental, réinterprétation de traditions chinoises… L’exposition montre la diversité des langages, des thèmes et des techniques avec lesquels expérimente cette nouvelle génération d’artistes, pour la plupart autodidactes. Le premier jour, l’exposition attire 25.000 visiteurs, parmi lesquels des officiels. Les artistes suscitent les discussions avec le public et incitent les visiteurs à s’exprimer, notamment à travers des carnets fixés sur les arbres faisant face aux grilles. Le 29 septembre, l’exposition est interdite par les autorités et les œuvres d’art confisquées.

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Li Xiaobin, Dessins de Qu Leilei accrochés sur les grilles du Musée des Beaux-Arts de Chine, 1ère exposition des Etoiles, Septembre 1979

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Li Xiaobin, Œuvres accrochées sur les grilles du Musée des Beaux-Arts de Chine, 1ère exposition des Etoiles, 27 septembre 1979

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Chi Xiaoning, Visiteurs le jour de l’ouverture de la 1ère exposition des Etoiles, 27 septembre 1979

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Chi Xiaoning, Visiteurs et officier de police lors de la 1ère exposition des Etoiles, 28 septembre 1979. Dès le deuxième jour de l’exposition, des policiers se rendent sur place pour surveiller  l’exposition.

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Li Xiaobin, Wang Keping et des visiteurs devant ses sculptures, 1ère exposition des Etoiles, Septembre 1979

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Chi Xiaoning, Wang Keping présente ses sculptures aux visiteurs de la 1ère exposition des Etoiles, Septembre 1979

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Li Xiaobin, Des visiteurs font des donations dans une tirelire au profit de la 1ère exposition des Etoiles, Septembre 1979

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Li Xiaobin, Les artistes Yan Li, Li Shuang et Qu Leilei conversent avec des visiteurs face aux œuvres de Wang Keping (dont Silence) lors de la 1ère exposition des Etoiles, Septembre 1979

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Li Xiaobin, Introduction à la 1ère exposition des Etoiles accrochée sur les grilles du Musée national des Beaux-Arts de Chine, 27 septembre 1979.

Texte d’introduction de l’exposition des Étoiles, septembre 1979 :

« Nous, vingt-trois artistes-chercheurs, exposons quelques résultats de nos travaux. Le monde offre aux chercheurs des possibilités sans limites. Nous nous servons de nos propres yeux pour connaître le monde, et y participons avec nos pinceaux et nos ciseaux. Dans nos peintures, il y a toutes sortes d’expressions, qui reflètent l’idéal de chacun d’entre nous.

Le temps vient à notre rencontre, aucune prédiction magique ne dicte nos actes, c’est la seule vie qui nous défie. Nous ne pouvons arrêter le temps à l’instant présent, les ombres du passé et les lumières du futur sont ensemble accumulées, et forment notre environnement à multiples facettes. Continuer résolument à vivre, retenir chaque enseignement, telles sont nos responsabilités.

Nous aimons profondément la glèbe qui est sous nos pieds. La terre nous a nourris. Nous n’avons aucun moyen de lui exprimer par des mots notre reconnaissance. Nous profitons du 30ème anniversaire de la République populaire de Chine pour dédier nos récoltes à la Terre, au Peuple. Cela nous rend plus proches. Nous sommes remplis de confiance. »

Li Xiaobin, Introduction à la 1ère exposition des Etoiles accrochée sur les grilles du Musée national des Beaux-Arts de Chine, 27 septembre 1979.

IV. La manifestation du 1er octobre 1979

Après des tentatives de négociation avec les autorités, n’ayant enfreint aucune loi, Les Étoiles décident de protester contre l’interdiction arbitraire de leur exposition à travers une manifestation organisée le 1er octobre. En ce jour de 30e anniversaire de la République populaire de Chine, de concert avec des acteurs du Mur de la Démocratie, les artistes marchent pour la liberté d’expression et la démocratie. Au départ du Mur de la Démocratie à Xidan, le cortège avance sous des bannières clamant « Nous voulons la liberté de création », « Nous voulons la liberté démocratique », « Nous protestons pour faire respecter la loi » ou encore « Protégez les droits des citoyens ! Le droit d’organiser des activités culturelles doit être respecté ! ». La foule de manifestants traverse le centre-ville jusqu’au Comité Municipal du Parti Communiste. Dans les jours qui suivent la manifestation, Les Étoiles obtiennent de l’Association des Artistes de Pékin la réouverture de leur exposition quelques semaines plus tard.

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Wang Rui, Les artistes Wang Keping, Gan Shaocheng et Qu Leilei au premier rang de la manifestation des Etoiles, 1er octobre 1979

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Chi Xiaoning, Des œuvres confisquées par les autorités suite au ban de l’exposition sont entreposées à l’intérieur du Musée des Beaux-Arts de Chine, 29 septembre 1979

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Chi Xiaoning, Ma Desheng mène la marche sur l’avenue Xuanwumen lors de la manifestation des Etoiles, 1er octobre 1979

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Chi Xiaoning, La foule lors de la manifestation des Etoiles, 1er octobre 1979

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Wang Rui, De gauche à droite : Wang Keping, E Fuming, Lu Lin et Liang Daguang au premier rang de la manifestation des Etoiles, 1er octobre 1979

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Wang Rui, La foule lors de la manifestation des Etoiles, 1er octobre 1979

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Chi Xiaoning, La manifestation des Etoiles au niveau de la porte Zhengyangmen (Qianmen) sur la place Tiananmen, 1er octobre 1979

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Chi Xiaoning, Discours de l’artiste Xu Wenli devant les manifestants, 1er octobre 1979

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Wang Rui, Les photographes Liu Heung Shing et Chi Xiaoning photographient et filment la manifestation des Etoiles, 1er octobre 1979

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Wang Rui, L’artiste Ma Desheng et le poète Mang Ke lors de la manifestation des Etoiles, 1er octobre 1979

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Wang Rui, Manifestants devant l’immeuble du Comité Municipal du Parti Communiste, 1er octobre 1979. Au premier plan : Ma Desheng.

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Wang Rui, Discours devant l’immeuble du Comité Municipal du Parti Communiste, 1er octobre 1979

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Wang Rui, L’artiste Liu Qing donne un discours devant les manifestants réunis devant l’immeuble du Comité Municipal du Parti Communiste, 1er octobre 1979

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Wang Rui, Les artistes Wang Keping et Qu Leilei assis sur les marches de l’immeuble du Comité Municipal du Parti Communiste, 1er octobre 1979

V. Fin 1979 – 1980 : Réouverture puis deuxième exposition des Étoiles

Les Étoiles obtiennent finalement le droit de montrer leurs œuvres dans un lieu officiel, la galerie Huafangzhai à l’intérieur du Parc Beihai, du 23 novembre au 2 décembre 1979. La sélection d’œuvres est sensiblement la même, à ceci près que sept nouveaux artistes viennent grossir les rangs des Étoiles, parmi lesquels Ai Weiwei. L’exposition attire 33.000 visiteurs, dont plusieurs personnalités officielles du monde culturel. Durant l’été 1980, Les Étoiles sont enregistrées à l’Association des Artistes de Pékin. En août de la même année, les artistes organisent leur deuxième exposition, cette fois-ci à l’intérieur du Musée des Beaux-arts de Chine. En deux semaines, 140.000 visiteurs se pressent pour voir une centaine d’œuvres des Étoiles, parmi lesquelles Idole, une sculpture de Wang Keping représentant Mao en Bouddha. Si, pendant quelques mois, le mouvement suscite autant l’intérêt du public que celui d’officiels et de personnalités du monde des arts, les Étoiles subissent des pressions politiques croissantes, les contraignant à la dissolution du groupe et à l’exil  de plusieurs membres.

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Chi Xiaoning, Un visiteur de l’exposition des Etoiles à la galerie Huafangzhai devant la sculpture Silence de Wang Keping, Novembre 1979

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Chi Xiaoning, Photo de groupe des Etoiles et de leurs amis à l’occasion de la 2ème exposition des Etoiles au Musée des Beaux-Arts de Chine, Août 1980. De gauche à droite : Shi Jinsheng, Chen Yansheng, Guo Xinyi, Qu Leilei,…

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Chi Xiaoning, Les artistes Li Shuang et Shao Fei peignent l’affiche de l’exposition des Etoiles à la galerie Huafangzhai, Novembre 1979

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Chi Xiaoning, Les commentaires des visiteurs de l'exposition des Etoiles affichés à l’extérieur de galerie Huafangzhai, Novembre 1979

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Chi Xiaoning, Des visiteurs de l’exposition des Etoiles à la galerie Huafangzhai devant des sculptures de Wang Keping, Novembre 1979

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Chi Xiaoning, Des visiteurs de l’exposition des Etoiles à la galerie Huafangzhai devant des peintures de Guan Naixin, Novembre 1979

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Chi Xiaoning, Des visiteurs de l’exposition des Etoiles à la galerie Huafangzhai devant des sculptures de Wang Keping, Novembre 1979

VI. Années 1980 : Dissolution des Étoiles et héritage du mouvement

En 1983, après dissolution du groupe, Huang Rui déménage au Japon en 1984, où il élargit son champ d’action de la peinture à la photographie, l’installation, et la performance. En 1984, Wang Keping s’installe en France, où ses sculptures deviennent moins politiques et plus épurées. En 1985, Ma Desheng déménage en Suisse d’abord, puis, en 1986, à Paris. Li Shuang s’installe également en France, en 1983. Quatre Étoiles émigrent aux Etats-Unis : Ai Weiwei, le premier à partir, en 1981 ; Yan Li en 1985 ; Zhong Ahcheng en 1987 ; et Shao Fei en 1988. Qu Leilei déménage en Angleterre en 1986. Bo Yun décide de rester à Pékin, où il est aujourd’hui professeur à l’université de Tsinghua et artiste peintre. Yang Yiping est également resté en Chine. Mao Lizi réside entre la France et la Chine. Ces dernières décennies, la plupart des Étoiles encore actives sont passées du statut d’artistes dissidents et marginaux à celui d’artistes mondialement connus.

Ephémère, le mouvement des Etoiles a marqué le début de l’art contemporain chinois par la volonté farouche de ses membres d’exposer publiquement des œuvres nées de leur « expression personnelle » et libérées de l’idéologie maoïste qui avait régné sur la société chinoise depuis 30 ans. Pour la première fois en Chine, des artistes non-officiels exposent dans un cadre institutionnel. Les Etoiles ont ouvert la voie aux artistes chinois des années 80 et 90. Dans les années 1980, d’autres artistes, dans diverses villes et provinces à travers la Chine, ont aussi formé des groupes artistiques d’avant-garde et mené des expériences avec des formes et concepts esthétiques empruntés à l’Occident. Cependant, le triomphe des Étoiles a été suivi d’un vide de dix ans en matière d’exposition publique d’art expérimental dans des lieux officiels. Cette longue période s’achève par un événement révolutionnaire, l’exposition « China/Avant-Garde » en 1989, également au Musée national des Beaux-Arts de Chine. Le geste audacieux des Étoiles en 1979 a permis d’ouvrir la brèche aux évolutions et à la reconnaissance de l’art contemporain chinois dans le monde ces dernières décennies.

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Li Xiaobin, Fête organisée par les Etoiles à l’Ancien Palais d’Eté (Yuanmingyuan), 1980

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Chi Xiaoning, Wang Keping et sa sculpture en bois Chaîne, 1979

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Chi Xiaoning, Wang Keping et sa sculpture en bois Chaîne, 1979

VII. Les échos en France du mouvement 

Une dizaine d’années après Mai 1968 et la vague maoïste, l’intérêt pour la Chine est encore très présent en France. Pendant les années 70, les cinéastes Joris Ivens et Marceline Loridan avaient filmé la Révolution culturelle (Comment Yukong déplaça les montagnes, 1976), et les intellectuels pro- et anti- Mao s’affrontaient dans la presse – en 1971 était déjà sorti Les habits neufs du Président Mao de Simon Leys. Le Printemps de Pékin fait l’objet de deux publications importantes en 1980 : un recueil de dazibao réunis et traduits par le mystérieux Victor Sidane (Le Printemps de Pékin, Gallimard/Julliard), et des textes de dissidents chinois (Un bol de nids d’hirondelles ne fait pas le printemps de Pékin, C. Bourgois). En 1981, l’arrestation de Li Shuang (artiste des Etoiles en couple avec un diplomate français) donne lieu à une manifestation et une pétition signée par Simone de Beauvoir, Raymond Aron, Delphine Seyrig…

Le premier livre sur l’art non-officiel chinois sort en France à l’hiver 81/82 : Poèmes & Art en Chine – Les « Non-Officiels » (coll. Doc(k)s)), publié par le poète Julien Blaine, parti deux mois à la rencontre des Étoiles à Pékin. C’est l’un des premiers livres parus en Occident sur les avant-gardes artistique et poétique chinoises du début des années 1980.

De septembre à novembre 2024, Victoria Jonathan a présenté en Chine, au Sichuan Fine Arts Institute, une installation intitulée “Tout rebâtir à partir d’une coquille” basée sur ce livre. Invitée par les commissaires Li Zhenhua et He Guiyan, la commissaire et directrice de l’agence Doors est personnellement concernée par cette revue et par le séjour chinois de Julien Blaine : son propre père, Philippe Jonathan, architecte et expert de la Chine, a accompagné le poète lors de son séjour, a participé à l’organisation de la Première Rencontre Internationale Poétique de Yuan Ming Yuan (Ancien Palais d’Été) en 1981 et a même signé plusieurs des poèmes présents dans le livre, sous le pseudonyme de Ferdinand Godard.

Cette installation faisait partie de l’exposition collective « We will meet again again again » curatée par Li Zhenhua et He Guiyan, et visait à retracer des trajectoires artistiques individuelles entre France et Chine. L’exposition s’inscrivait dans l’année 2024 des célébrations du 60e anniversaire des relations diplomatiques et culturelles entre la France et la Chine.

Couverture de la revue DOC(K)S
Vue de l’exposition « Tout rebâtir à partir d’une coquille », 2024

Les œuvres de Huang Rui, Ma Desheng et Wang Keping

En plus des photographies qui retracent les principaux événements de l’histoire du mouvement des Étoiles, l’exposition «Les Étoiles, 1979-2019, pionniers de l’art contemporain en Chine» présentait des peintures, des gravures, des sculptures et des installations réalisés par les trois artistes fondateurs du mouvement : Huang Rui, Ma Desheng et Wang Keping.

  • Les drapeaux des Étoiles, par Huang Rui

Ayant passé une partie de sa jeunesse comme ouvrier paysan en Mongolie intérieure dans le cadre de la campagne des jeunes instruits, Huang Rui s’initie à l’art en autodidacte. Co-fondateur de la revue Aujourd’hui en 1978, puis du mouvement des Etoiles en 1979, il s’exile au Japon en 1984. De retour à Pékin en 2000, il devient l’un des artisans du quartier artistique 798. Huang Rui s’exprime à travers la peinture, l’installation et la performance. Ses premières œuvres sont inspirées de la peinture occidentale moderne (expressionnisme, fauvisme et cubisme). Au fur et à mesure, son style s’affirme et il devient un artiste phare de l’abstraction et de l’art conceptuel en Chine. Son travail interroge des sujets contemporains, tels que les métamorphoses urbaines et l’hypocrisie des régimes politiques, tout en puisant son inspiration dans le Livre des Changements et la philosophie du Yin et du Yang. Il crée pour cette exposition Stars Flags, une œuvre « hommage » aux Étoiles, qui réaffirme que l’art est avant tout libre et indépendant. Les œuvres de Huang Rui font partie des collections du musée Guggenheim (New York), du Musée des Beaux-Arts de Chine et du Musée M+ (Hong Kong) notamment.

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Huang Rui, «Stars Flags», 2019. Drapeaux en tissu peints.

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Huang Rui devant ses «Stars Flags», 2019. Drapeaux en tissu peints.

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Huang Rui, «Stars Flags», 2019. Drapeaux en tissu peints.

  • Les gravures et peintures de Ma Desheng

Poète, graveur, calligraphe, peintre et performer, Ma Desheng est installé à Paris depuis 1985. Co-fondateur de la revue revue Aujourd’hui et du groupe des Etoiles, c’est un ardent défenseur de la liberté d’expression. Autodidacte, il commence sa carrière comme dessinateur industriel dans une usine le jour, tandis qu’il s’adonne à la gravure et à la poésie la nuit. Après un accident de voiture qui le paralyse en 1992, Ma est forcé d’abandonner la gravure et la peinture à l’encre. Aujourd’hui, il s’adonne à l’acrylique, une technique qui lui permet une rapidité et une spontanéité d’exécution proche de l’encre, pour peindre ses sujets de prédilection : le corps féminin et les pierres. Son travail a été présenté lors d’expositions et de foires internationales. Ses œuvres sont entrées au Musée national d’art moderne (Centre Pompidou), au British Museum, au musée de la ville de Fukuoka, au Musée d’art moderne de la ville de Paris, au musée Cernuschi (Paris) et au Musée M+ (Hong Kong). Parmi ses récentes expositions (2019) : une rétrospective au Domaine départemental de Chamarande, une exposition de ses sculptures au Domaine de Chaumont-sur-Loire et une sculpture en plein air à Frieze Sculpture (Londres).

Ma Desheng, Sans titre, 1980. Gravure sur bois. 50x45cm avec cadres
Ma Desheng, Sans titre, 1980. Gravure sur bois. 50x45cm avec cadres
Ma Desheng, Sans titre, 2019. Peinture acrylique sur toile. 300X120cm
  • Les sculptures de Wang Keping

Wang Keping commence à sculpter le bois en autodidacte à la fin des années 1970, après avoir été, durant la Révolution culturelle, successivement paysan, ouvrier, puis acteur et scénariste pour la TV nationale. Lors du Printemps de Pékin, il participe au Mur de la Démocratie et devient un membre actif du groupe des Etoiles en 1979. Il accroche sur les grilles du Musée des Beaux-Arts de Pékin sa sculpture manifeste Silence, un visage/masque l’œil droit fermé et la bouche obstruée, pour exprimer le manque de liberté d’expression et la censure en place. Exilé en France en 1984, Wang Keping a délaissé les thèmes politiques pour leur préférer la figuration de corps féminins ou de couples enlacés. A partir de troncs tombés dans la forêt ou de branches ramenées à son atelier, il travaille à la tronçonneuse, au chalumeau et au ciseau de menuisier. Son œuvre, reconnu internationalement, est conservé dans les plus grands musées : Centre Pompidou, Musée Guimet ou musée He Xiangning (Shenzhen).

«Silence», 1978, sculpture sur bois, 43 x 27 x 27 cm
Wang Keping, Fée de Lune, 2010. Sculpture sur bois. 78x79x23cm
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