Le travail de l’artiste Noémie Goudal (née en 1984) fait co-exister des géographies réelle et théorique, créant un espace quelque part entre la réalité physique et sa représentation mentale. Depuis ses débuts, l’artiste s’intéresse aux liens entre optique et perception, observation et interprétation, science et art. Après ses trois séries explorant les systèmes théoriques de compréhension du ciel (Observatoires, Towers et Southern Light Stations), Noémie Goudal entame en 2017 un nouveau corpus d’œuvres relatives à l’histoire des sciences et des théories de la formation de la Terre (Telluris, Soulèvements et Démantèlements). Inspirée à l’origine par les découvertes antiques qui ont révélé la présence de fossiles au sommet des montagnes, la série Soulèvements (2018) est le résultat d’une réflexion issue des interprétations qui ont pu être émises au fur et à mesure des siècles, découlant des observations de ces fossiles. Soulèvements semble montrer l’absurdité de pareille entreprise.
« À première vue, ces photographies donnent à voir d’immenses formations rocheuses. À y regarder de plus près, les fines lignes lumineuses qui scintillent comme des crevasses, ainsi que les bords très accidentés de ces formations, révèlent que ces roches n’ont jamais existé. Pour obtenir cette illusion, l’artiste a empilé autour de chaque roche une vingtaine de miroirs tous orientés différemment, puis photographié cet « édifice » de manière à ce que l’image produite nous fasse prendre les nombreux reflets des surfaces de la roche pour une surface homogène. Comme l’indique le titre de cette œuvre, si les constructions de Noémie Goudal symbolisent les soulèvements prodigieux qui donnent naissance aux chaînes de montagnes, elles expriment également les révolutions intellectuelles capables de faire voler en éclats le statu quo et de rendre méconnaissable tel ou tel domaine du savoir. Insaisissables par le regard, elles nous rappellent que tout ce que nous tenons pour vrai peut être renversé en un rien de temps. » (Emma Lewis, préface au livre Soulèvements publié en 2020 par RVB Books).
Quel meilleur outil pour illustrer cette complexité que l’appareil photographique ? Dès ses débuts, son importance tient non seulement à ce qu’il reproduit, mais à ce qu’il est capable de produire dans l’esprit du spectateur. Arago ne voit-il pas dans le daguerréotype à la fois un moyen de cartographier les territoires et une sorte d’œil artificiel capable de rendre visible la matière atmosphérique et les corps célestes ?