DoorZine : Très jeune, vous avez côtoyé de façon très intime la première génération d’artistes contemporains chinois, que vous avez photographiés dans votre série A Personal Diary entre 1993 et 2003 (ndlr : les artistes et performers Sui Jianguo, Zhang Huan et Ma Liuming, les réalisateurs Jiang Wen et Wang Xiaoshuai mais aussi Xu Bing, Rong Rong, Song Dong, Fang Lijun…). Est-ce que rétrospectivement vous définiriez votre rôle à l’époque comme celui d’une documentariste ?
Xing Danwen : Je ne dirais pas cela. A l’époque, en prenant ces photos, je n’avais aucune intention documentaire. Mais le résultat a une valeur documentaire, j’en conviens. Mon idée était de créer des œuvres visuelles et de créer des photos intéressantes. A l’origine, j’ai une formation de peintre. Après les Beaux-arts, ma vie a pris une autre direction : pour des raisons objectives, j’ai abandonné la peinture et décidé que la photographie serait mon mode d’expression.
A 17 ans, j’ai eu un coup de foudre pour la photographie, j’étais totalement passionnée et naturellement j’ai choisi l’appareil photo pour poursuivre mon chemin artistique. A cette époque, la question était : « Comment la photographie peut devenir un art ? ». Et c’est avec cette mentalité que j’ai commencé à photographier la culture underground et me mettre dans la vie de ces rebelles.
Je commençais à créer mes œuvres avec enthousiasme sans aucune considération documentaire. Aujourd’hui, rétrospectivement, quand je regarde mes travaux de jeunesse, je regrette vraiment mon ignorance à l’époque : j’aurais pu immortaliser plus de visages, enregistrer plus d’événements.
DoorZine : Pourquoi avoir choisi la culture underground comme sujet de votre propre création ?
Car j’étais dans ma période d’adolescence et j’avais besoin d’exemples et de soutien. J’ai photographié ces artistes-là parce qu’à l’époque ils étaient totalement hors normes. En tant qu’élève ayant reçu une éducation artistique traditionnelle, je me cherchais, j’essayais de me libérer de certaines chaînes. J’avais besoin d’être épaulée dans ce chemin, et ces gens m’ont apporté un soutien qui répond au côté sauvage de mon caractère. J’ai appris auprès d’eux, j’ai puisé de la force à leur contact. Aujourd’hui quand je regarde ces photos, je vois une jeune femme qui brise les codes traditionnels de la société, en proie à un conflit intérieur entre le désir de respecter les normes et le désir de défier la loi et la morale.